Ce que j’aime des grandes nations, certains pays occidentaux en l’occurrence, c’est cette cynique et tragique conscience qu’ils arrivent à inculquer à ceux qui ont leur destin en main, quel que soit leur bord politique, de cautionner et même provoquer le chaos partout ailleurs, n’importe quel chaos, pour sauvegarder leurs intérêts.
Hier, le G5, regroupement de cinq chancelleries occidentales au Togo, notamment les Nations-Unies, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, les USA, le G5 donc a sorti une note dans laquelle il pousse les forces de l’opposition togolaise à se joindre au processus électoral unilatéral qu’a enclenché la dictature togolaise pour aller aux urnes le 20 décembre.
La question que poserait un naïf serait si le G5 n’est pas au courant de ce qui se passe actuellement au Togo, si ses représentants ne sont pas informés des conditions dans lesquelles s’est déroulé le recensement avec toutes les grossières fraudes.
Oui, le G5 le sait. Mais la réalité est que pour que les intérêts de leurs pays soient préservés (et nul n’ignore que les dictatures, grâce ou à cause de leur apparente stabilité, sont les meilleurs garants des intérêts des grandes nations), le G5 ne redoute aucune catastrophe qui pourrait s’abattre sur les autres.
La situation actuelle du Togo montre à tous que toute élection sera une boucherie. L’excitation des parties adverses, la colère des militants, la rage des corps habillés qui se sont fabriqué deux morts à Sokodé pour mieux martyriser cette ville contestataire, les menaces entre ethnies…
Mais le G5 exhorte les Togolais à aller voter. Parce qu’il faut que Paris, New York, Berlin, Bruxelles, Chicago… mangent depuis le Togo, même s’il faut que juste quelques centaines voire milliers de Togolais soient assassinés. De toutes les façons, tout le monde sait qu’ils ont la reproduction facile, ces gens du continent noir. Il suffit d’épargner deux étalons et quatre utérus et dans cinq ans les morts seront remplacés.

Oh, qu’on ne pense quand même pas que je me lamente. Que non. Il y a longtemps que j’ai compris cette logique si simple des grandes nations. Et je ne me lamente pas. Au contraire j’ai une petite consolation. L’homme étant prêt à chercher sa survie à n’importe quel prix, j’ai l’assurance que les élections vers lesquelles nous pousse le G5 ne nous tueront pas tous. Certains de mes frères de Bafilo, Mango, Sokodé, Kpalimé, Atakpamé, Aného, Tsévié… échapperont à l’ange maléfique, et pour assurer leur survie, ils traverseront la mer pour aller encombrer, indésirables migrants, les paisibles citoyens des pays du G5 dans leur confort béni.
David Kpelly